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Cathiminie, d'ici d'ailleurs et d'autre part...
21 octobre 2009

Miroir (part 1)

Le texte qui suit est une ré édition. Pardon à mes lecteurs et trices de l'époque, mais il se trouve que j'ai à écrire un "cas clinique" pour une présentation professionnelle, que je ne publierai pas ici. Mais la situation personnelle de la personne dont je m'occupe et dont je dois parler, me rappelle ce texte, écrit à une période où ma vie n'était pas très agréable. Et pourtant je ne puis renié ce que j'écrivis à l'époque, même si la tonalité en est un peu "déprimée". Cette femme dont je présenterai le cas prochainement, n'a pas la possibilité actuelle de prendre la distance nécessaire avec le miroir,celui du regard des autres comme celui fait de verre. Ce qu'elle y voit est à entendre pour mieux l'accompagner dans un cheminement qui puisse la conduire à se sentir mieux. "être bien dans sa peau"!

"les miroirs ne mentent pas?"

Non effectivement les miroirs ne mentent pas, mais le regard réfléchit.


Que donne le miroir, que lui donne-t-elle, qu'y réfléchit-elle, qui regarde-t-elle?


Un matin d'été, le soleil dardant ses rayons à travers les persiennes entrebaillées, l'image dans le miroir auréole de lumière ce corps qui se donne à lui. Corps aux courbes prononcées, à la taille marquée, à la poitrine forte mais que le port de tête et d'épaules fera dire "généreuse". L'image est lisse, mais elle la réchauffe du soleil d'été. Elle y voit une belle journée. Elle s'habillera séduisante, choisissant un profond décolleté pour mettre en valeur sa poitrine opulente.  Elle choisira aussi une jupe blanche et fluide, qui au moindre mouvement ondulera et caressera ses jambes, mettra en valeur sa taille bien appuyée. Elle se trouve jolie, fraîche, gaie. Le miroir ne ment pas, il lui renvoie l'image d'une journée d'été, propice à la séduction et à la légèreté

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Et mon amie la rose (Cath 2009)


Un matin d'automne, gris et pluvieux. La lumière halogène accentue le grain de la peau, augmente les reliefs, diminue les nuances. Le miroir ne ment pas. Il renvoie l'image d'une femme empâtée, au ventre abimé par plusieurs grossesses, aux seins un peu trop lourds qui ne savent se tenir, aux cuisses un peu trop larges, victimes des régimes ratés. Elle regarde l'image du miroir qui ne ment pas, et se dit qu'à son âge rien ne sert de lutter . Elle se trouve moche, grosse et vieille et son regard devient identique à celui de l'homme qui ne la désire plus. Son corps la dégoûte. Elle choisit dans l'armoire un pantalon noir, un gilet noir qu'elle tentera d'égayer à l'aide d'un foulard de couleur vive, pour qu'au moins son visage soit un peu éclairé et renvoie une image plus gaie.L'image est toujours lisse. Elle aussi  est froide, froide d'un corps sans désir, d'une journée sans soleil. Elle aimerait se regarder amoureusement, mais le miroir ne ment pas et il lui donne à voir l'automne de sa vie.

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Reflets d'automne (Cath 2008)

Une journée d'hiver, la neige est tombée. Le miroir ne ment pas, il lui donne à voir ce qu'elle lui a donné. Un corps emmitoufflé dans un peignoir duveteux, bien vite échangé contre un gros pull à col roulé et un pantalon doublé. Elle aurait froid sinon. L'image lui semble moins froide que son corps frigorifié.Elle regarde ses formes ainsi cachées, se dit qu'il vaut mieux le protéger des rigueurs de l'hiver. Elle a envie d'aller marcher et l'image du miroir lui importe peu. En énorme doudoune, pantalons de ski et raquettes aux pieds, elle se fondra dans la masse des yétis de l'hiver. Elle soigne son visage, le nez sur le miroir, qui lui donne à voir quelques rides au coin des yeux, mais qu'elle voit comme celui d'une femme quelconque qui s'apprête à affronter l'hiver. L'image hiberne!

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Paysage hivernal de Gruyère (Cath 2008)

Un matin de printemps, elle découvre dans le miroir qui ne ment jamais, sa peau blanche et son teint blafard, contrastant tellement avec le jaune et le vert des pâturages, avec la luminosité ambiante qui donne envie de légèreté. Elle constate les bourrelets accumulés mais qui s'effaceront quand sa peau reprendra une jolie couleur dorée. Elle se sent partagée entre femme vieillissant mal, et beauté gourmande. Les extrèmes lui vont bien,  le miroir ne ment pas, mais il ne lui dit rien. Elle se verra bien mieux dans le regard de l'homme qui la désirera peut être, répondant au printemps et à sa légendaire montée de sève. Si tel n'est pas le cas, elle masquera le miroir pour ne plus qu'il renvoie l'image qui ne ment pas d'une femme mal aimée!

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Printemps sur le lac de la Gruyère (Cath. Avril 2008)

Le miroir ne ment pas, mais c'est normal, il est muet! c'est elle qui lui parle!

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Commentaires
J
Me viens cette citation de Cocteau: "les miroirs feraient mieux de réfléchir, avant de refleter les images"
C
tu vas me faire rougir! Mais c'est vrai que j'aime beaucoup ce texte écrit "à vif". Merci
C
C'est un beau jeu de reflets que tu évoques, avec le reflet neutre d'un miroir que l'on habille de l'image qu'on a de soi.<br /> Peut-être que le vécu au moment de l'écrit était déprimé, mais ce qu'il en ressort atteint la dimension dramatique. En ce sens, transcendé par l'émotion, je ne trouve pas ton texte négatif.<br /> <br /> C'est l'erreur que je reproche à l'ère du temps, dans notre pays où le positif marketing forcené fait rage : on confond négatif et sombre, dépression et profondeur humaine dramatique. Je ne sais pas ce qu'il en était de la personne au moment de la création du texte, mais de ce qu'elle en a fait, je considère qu'elle ajoute au patrimoine humain.<br /> <br /> En extrapolant, les oeuvres dramatiques marquent les esprits, plus que les bluettes enchantées, très vite oubliées.
Cathiminie, d'ici d'ailleurs et d'autre part...
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