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Cathiminie, d'ici d'ailleurs et d'autre part...
14 février 2009

une fois n'est pas coutume...

Mon blog n'est pas politique, à ma façon mon travail l'est et cet article professionnel que je viens de recevoir me parait important à diffuser pour informer de ce que la politique sarkozienne préconise pour les fous dont je m'occupe au quotidien depuis tant d'années, en France et maintenant en Suisse. C'est long, mais instructif, et je dois avouer que ma peur n'est pas dirigée vers ceux qui sont pointés dans cet article, mais vers le Président de la République Française. Que la Suisse et ses politiques se gardent de copier leur voisin, mais peut être est ce un vœu pieux?


"*Armelle Guivarch*, psychanalyste, ECF



Le 12 novembre, à Grenoble, un patient en fugue de l'hôpital
psychiatrique de Saint-Egrève, poignarde un jeune homme. Dès le
lendemain Nicolas Sarkozy annonce un durcissement de la loi de 1990 sur
l'hospitalisation sans consentement et une réforme en profondeur de
l'hospitalisation psychiatrique. Le directeur de l'hôpital de Grenoble
est suspendu.


Le 2 décembre, à l'E.P.S.M Erasme d'Antony, le Président Nicolas
Sarkozy, après avoir fait l'éloge non pas de la folie mais des
soignants, prononce son discours de réforme. Il est lourd de menaces, et
essentiellement construit autour de quelques mots, réponses à ce
terrible passage à l'acte : protection, sécurité, contrôle,
surveillance, enfermement, isolement, obligation de soins et transparence.

Protection de la société, des français, des familles, du personnel, de
la violence supposée de nos patients ; du patient contre ses pulsions,
ses hallucinations, son délire, ce qui est notre mission, il n'est
évidemment pas fait mention. Sécurité, sécurisation, contrôle,
surveillance : contrôle des entrées et sorties de l'hôpital,
vidéosurveillance, dispositif de géo-localisation ; c'est le retour
moderne du /panopticon/ de Bentham, dénoncé par Michel Foucault dans
/Surveiller et punir/.
Enfermement des malades difficiles : Il y avait cinq unités pour malades
difficiles (U.M.D.) dont le dernier ouvert en Centre Bretagne en janvier
2008 et l'avant dernier en....1963, il y en aura quatre de plus de
quarante lits soit un doublement en très peu de temps. Il sera aussi
créé 200 chambres d'isolement supplémentaires et des unités fermées à
l'intérieur de l'hôpital psychiatrique.

Obligation de soins ambulatoires dans l'intérêt du patient et de sa
famille, et décision de sortie d'essai ou définitive prise par le préfet
après avis d'un collège de trois « experts ».
Enfin puisqu'il craint pour nous soignants de l'hôpital psychiatrique la
« ghettoïsation », il y aura fortement contribué, il nous faudra jeter
des passerelles vers d'autres établissements de santé. Lesquels ?
L'hôpital général qui manque lui aussi cruellement de moyens humains ?
Et pour tout cela, il faudra un patron à l'hôpital, un vrai, qui sache
prendre ses responsabilités.
Le discours se termine par un retour sur l'éloge des soignants, la
grandeur de leur tâche.
La forme du discours est celle habituelle de Nicolas Sarkozy, celle de
la douche écossaise, alternance de flatteries, de fausses émotions
démagogiques, d'appels à la compréhension et de menaces à peine voilées.
Belette schizophrène et petit lapin psychiatrique finissent mangés par
Raminagrobis.

Si « On juge du degré de civilisation d'une société à la façon dont elle
traite ses fous » comme l'a dit Lucien Bonnafé, un des artisans du
secteur en psychiatrie au sortir de la guerre où les patients de
psychiatrie avaient été particulièrement maltraités et d'ailleurs, fait
l'objet d'une politique d'éradication en Allemagne nazie, et bien cette
civilisation est celle du cynisme et de la peur.
Ces vingt dernières années nous avons assisté, nous, soignants à
l'hôpital psychiatrique, à une diminution drastique du nombre de lits
d'hospitalisation, cinquante mille en vingt ans soit plus de la moitié,
à la disparition des formations spécifiques des psychiatres et des
infirmiers en psychiatrie, à la montée en puissance du discours de la
science appliqué à la médecine et donc la prescription anarchique de la
trithérapie anxiolytique, antidépressive et hypnotique, à la
médicalisation de « la dépression », la perte des repères cliniques
basés sur la parole du patient, son histoire particulière, le
démantèlement lent et insidieux de la politique de secteur, la fermeture
toujours plus accélérée des structures relais de nos partenaires sociaux
faute d'argent, la montée en puissance des « démarches qualité,
d'évaluation et autre certification » qui sont bien souvent des coques
vides, des cache-misère, qui masquent mal l'augmentation à l'hôpital des
mesures de contention, de mise en chambre d'isolement, des sorties
prématurées de patients pour une durée moyenne de séjour qui doit sans
cesse être plus courte. Oui, les patients sont à la rue et dans les
prisons. Bien souvent, leurs partenaires sont l'alcool, la méthadone et
le cannabis pour soigner leurs « voix ». Les patients psychotiques
suscitent la haine et la peur, chez le citoyen, chez le politique, chez
nous aussi soignants ; il vaut mieux le savoir pour soigner et non
maltraiter. Ce n'est pas de mesures sécuritaires dont l'hôpital
psychiatrique a besoin, le meurtre d'un étudiant par un patient
psychotique ne saurait justifier un tel déferlement de mesures
sécuritaires d'ailleurs en gestation de longue date. La société
française veut se débarrasser de ses citoyens difficiles en les
enfermant . Parce qu'il ne faut pas se faire d'illusions. Quel préfet
prendra la responsabilité d'une sortie d'un patient réputé dangereux?
Aucun.

*Conclusion* : Les hôpitaux psychiatriques ont besoin de soignants
formés à la clinique psychiatrique, et non au D.S.M.(Diagnostic and
Statistical Manual of Mental Disorders
,
Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux,) formés aux
traitements divers et variés par la parole dont nous étions en France
les tenants. On n'éduquera, ne rééduquera pas ces patients en les
enfermant, surveillant et les punissant. Et nous avons aussi besoin de
structures extérieures qui les accueillent et les accompagnent. En effet
nous devons sinon les guérir comme l'avance imprudemment Mr Sarkozy, du
moins les soigner.
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Commentaires
M
Je te fais juste un kookoo, le sujet ne m'inspire pas, je risque d'écrire des bêtises...
C
oui marcus...avant même qu'il ne soit élu je le pressentais...mais tous les grands de ce monde n'ont il pas une forme particulièrement développée de "troubles psychiques"? (paranoïa mégalomanie, etc???)
M
Dans tous les domaines, il faut toujours qu'il se mêle de tout et tout de suite. Cette hyper-réactivité est-elle une forme de maladie mentale ?
T
On régresse Cath, on régresse... à tous les niveaux. Merci en tout cas pour ce témoignage.
Cathiminie, d'ici d'ailleurs et d'autre part...
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